Cet article est dédié à:
- Annie.....une audiernaise exilée en région parisienne
et à
" Hermine ", une amie virtuelle, quelque part dans le midi
Bonne année à elles
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Audierne, Esquibien - Histoires audiernaises- Editorial 1/2009
Bloavez Mad d'an holl. Bonne année à tous
ci-dessus: crêche de Noël musée maritime Audierne
L'année 2009 commence. 2008 est déjà derrière nous. Le mois de décembre 2008 aura contribué à l'enrichissement de la mémoire audiernaise en enregistrant la parution d'un nouveau livre, écrit par un écrivain local. Audierne autrefois, Gwaïen gwechall, tel est le titre de ce nouvel ouvrage publié par Paul Cornec aux éditions du Cap-Sizun. Il s'agit d'un recueil de textes écrits par deux audiernais aujourd'hui disparus: Jean Couic et Daniel Guezengar. Ces textes n'étaient pas totalement inconnus du public puisqu'ils ont été diffusés, en d'autres temps dans diverses publications locales dont le bulletin paroissial d'Audierne. Le bulletin paroissial n'existe plus aujourd'hui, et les archives sont souvent incomplètes. L'intérêt de l'ouvrage se trouve donc avant tout dans le regroupement d'articles disparates, voire disparus, et dans la sauvegarde de la mémoire qui est à mon sens essentielle. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, expliquant que je préférais publier mes textes sur internet plutôt que de faire la course aux éditeurs. Mais l'auteur personnalise son ouvrage en l'agrémentant d'une préface qui ne peut que réveiller des souvenirs chez les vieux audiernais qui ont vécu certains évènements "au près", "au plus près". Je fais partie de ces Anciens qui ont connu la lutte à couteaux tirés entre les deux écoles: celle du Bon Dieu et celle du Diable et les sanctions qui pouvaient parfois en découler. On se croirait presque chez "Don Camillo" et "Peppone", mais comme les faits se déroulent à Audierne, restons en terre Capiste pour revivre l'affrontement entre le maire Françis Postic et le recteur Yves Pelleter.
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Les faits se situent en 1950. A cette époque j'exerçais, après mes études secondaires, une activité manuelle à Audierne, ce qui m'a valu d'intervenir à l'église paroissiale (Saint Joseph) pour participer à l'installation de la sonorisation, première du genre, destinée à traiter les problèmes acoustiques de l'édifice religieux. J'ai donc eu l'occasion de côtoyer les membres du clergé local dont le recteur Pelleter et ses vicaires ainsi que l'organiste Jean Couic qui n'avait pas son pareil pour accompagner "l'Asperges Meï" à l'ouverture de la grand' messe. Mon entreprise s'occupait aussi de la sonorisation des kermesses dont la "paroissiale" d'Audierne aux Capucins. C'était l'époque du disque des auditeurs dont nous usions pendant les kermesses. Je me souviens particulièrement de la "sérénades des cloches" par les compagnons de la chanson qui était souvent demandée pour faire une blague pas toujours de très bon goût. Un jour, c'est un vicaire qui l'a demandée et offerte à un autre vicaire. Qu'importe: l'argent rentrait, au profit de la kermesse
Je connaissais par ailleurs Francis Postic, maire élu après la seconde guerre mondiale, qui succédait à Tonton Jean Jaffry, après l'épisode éphémère du Colonel Plouhinec. Par ailleurs, je précise que je suis un pur produit de l'école publique et laïque, n'ayant jamais mis les pieds dans une école libre, et que je revendique cette formation obtenue grâce à des maîtres exerçant leur activité en toute neutralité
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La municipalité d'Audierne était d'obédience communiste, première du genre en terre Capiste profondément marquée par le cléricalisme. Selon l'auteur, la municipalité refusait d'accorder des secours aux indigents dont les enfants étaient inscrits à l'école libre. Le bulletin paroissial d'octobre 1950, cité par l'auteur accuserait le maire
"d'être le dictateur qui entretient la discorde".
Suit une diatribe au sujet de la sollicitude de la municipalité envers l'école dont "elle a la charge" (école publique).
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Je voudrais préciser ici un certain nombres de choses en apportant mon témoignage personnel dont je garantis l'authenticité:
-1- J'ai quitté Audierne en octobre 1950 pour entreprendre un nouveau parcours. Je n'ai donc pas connaissance du bulletin paroissial cité ci-dessus et si d'aventure je l'avais lu, je ne m'en souviens pas.
-2- Mon père, victime d'un accident du travail, est décédé de mort violente en juillet 1941. Ma mère est devenue veuve avec 2 enfants mineurs à charge. C'était pendant la guerre. Je venais d'obtenir le certificat d'études primaires et de réussir à l'examen des bourses, à l'école communale d'Audierne, qui porte aujourd'hui le nom d'un de mes anciens instituteurs: Pierre Le Lec.
-3-Suite au décès de mon père, le Recteur d'Audierne, Monsieur Prigent est venu, chez moi, en ma présence, inviter ma mère à m'inscrire gratuitement à l'école Saint Joseph . Ma mère a réfléchi et demandé jusqu'où je poursuivrais mes études. Réponse: jusqu'au brevet. Question suivante: et après? Réponse: le brevet c'est déjà bien. Cela lui suffira. (Faux. J'ai fait des études secondaires, et même un peu plus).
Question suivante: Et s'il veut aller plus loin ??
Le recteur est devenu rouge. et n'a pas répondu. Ma mère est restée calme et a refusé la proposition. Le Recteur est parti en claquant la porte.
-4- Suite de l'histoire. Le dimanche suivant, ma mère se présente au confessionnal du Recteur pour avouer des péchés dont je n'ai pas connaissance. Elle a dû sortir du confessionnal, après avoir essuyé un
refus d'absolution.
Mortifiée et apeurée, elle est allée se faire absoudre par un vicaire d'Esquibien qui s'est montré plus compréhensif. L'attitude du recteur Prigent est un bel exemple d'intolérance, de sectarisme, d'insulte à la charité et même d'inintelligence, d'autoritarisme et de fanatisme. Je mesure la portée du dernier mot. L'autoritarisme n'est que le semblant d'autorité de ceux qui en sont naturellement dépourvus et qui utilisent tous les subterfuges pour tenter de prouver et surtout se prouver le contraire. Abuser de son autorité à l'égard d'une personne sans défense n'est pas digne de la fonction exercée par un responsable quel qu'il soit, à fortiori religieux, dont le comportement se situe en dessous des principes élémentaires de la morale. Il ne faisait pas bon être pauvre à cette époque, quand les enfants de l'école du Stum (démons de l'école du Diable) étaient parqués à l'écart de ceux de l'école du Bon Dieu ( angelots de l'écoleSaint Jo encadrés par leurs enseignants: les "Frères de Ploërmel) pendant les offices dominicaux, pour éviter toute contagion par des idées révolutionnaires peut-être. Sans compter les séances de catéchisme réservées aux "pratiquants de 2ème classe " , élèves de l'école publique, le jeudi, les autres élèves étant instruits dans leur école libre. Même sectarisme pour la désignation des enfants de choeur (dont l'auteur du livre a fait partie) ou des porteurs d'enseignes les jours de processions. Lamentable les sanctions infligées aux enfants pour se venger des parents.
Monsieur Prigent réfléchit peut-être aujourd'hui dans un de ces lieux brûlants superbement représentés par les "Taolennous", comme au temps des missions du Père Maunoir et Michel Le Nobletz. A moins qu'il ne soit condamné à fredonner éternellement le cantique de l'Enfer pour avoir oublié que la pratique doit être avant tout la mise en oeuvre de la théorie qui n'est pas faite que pour être enseignée aux autres. Il conviendrait d'abord de montrer l'exemple pour être un bon pédagogue crédible et respecté. Quelques recteurs Prigent ont fait autant de mal à leur religion que certains évènements relevant de notre histoire. A ce sujet, la lecture du magnifique ouvrage de Georges Bernanos pourrait servir de thème de réflexion et méditation. On peut y lire (page 159):
"Le chef ne sera pas seulement jugé sur les intentions: ayant exercé la charge, il reste comptable des résultats"
On ne peut accuser sans preuves un maire d'avoir refusé des secours à des familles d'enfants de l'école libre, alors que: pour ne pas avoir inscrit ses enfants à l'école libre une mère de famille veuve s'est vue refuser le pardon de ses fautes. La faute concerne plutôt le manque de compréhension et de charité de l'homme d'église. Le choix de l'école relève des libertés fondamentales dont la liberté de pensée, et le théorème de Pythagore ne fait pas partie des Ecritures.
Pour apprécier et évaluer les résultats de ces comportements sectaires, il suffit d'assister aujourd'hui à un office dominical et constater l'héritage. La plus haute autorité diocésaine va jusqu'à dire que "Noël est une fête dévoyée". (Télégramme de Brest : 24-12-2008). Quant aux obsèques, je leur ai consacré un article .....et on n'a sans doute pas encore tout vu.
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Je livre ici un exemple très personnel qui va paraître aujourd'hui d'une autre époque. Cette autre époque a existé et elle n'est pas plus vieille que moi.
Dans sa réponse le Maire d'Audierne a invité le Recteur à se
"cantonner dans le cadre et l'esprit de ses fonctions spirituelles".
J'approuve cette réponse et je partage le point de vue du Maire, quelles que soient ou puissent être par ailleurs mes convictions personnelles et spirituelles que je n'ai pas à afficher. Sa réponse se référait peut-être à quelques exemples identiques à celui que je viens de citer et qui n'est sans doute pas un cas unique. D'ailleurs, c'est ainsi que l'on définit la laïcité aujourd'hui: respect de toutes les religions mais séparation des pouvoirs: spirituel et temporel. Aux religions le spirituel, aux responsables démocratiquement élus le temporel.
Si j'ajoute par ailleurs, un extrait du livre: Page 52, le propos tenu par un ancien Recteur d'Audierne:
"Mes paroissiens sont de braves gens, mais sont un peu comme les Protestants, ils acceptent ce qui leur plait et rejettent ce qui leur déplait"
Je me vois dans l'obligation de confier au lecteur que j'ai décidément tout pour plaire, après avoir épousé
Une Protestante
descendante des Camisards, victimes des 8 guerres de religions, curieusement le même chiffre que celui des croisades
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En conséquence: Pardonnez tout mais n'oubliez rien
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Vive la Tolérance, l'oecuménisme, le respect de toutes les religions sans exception et même de l'athéisme, ainsi que la Paix des Braves.
A bas le fanatisme et le sectarisme tant religieux que politique.
Et tant pis pour le "qu'en dira t-'on" ???? !!!!!
photo du chantier de construction de l'école Saint Joseph
date approximative: 1937
(collection familiale personnelle)
On peut souligner les techniques de construction, sans moyens mécaniques. Le 6ème personnage à partir de la gauche porte sur ses épaules un " oiseau " servant au transport du ciment monté à dos d'homme par des échelles. Cette tâche était généralement accomplie par les manoeuvres (hommes à tout faire) approvisionnant les maçons. C'est mieux qu'à l'époque de la construction des cathédrales, mais tout aussi difficile et dangereux. (Aucune mesure de sécurité ni filet de protection face au vide pour éviter les chûtes par exemple). On remarquera aussi que la plupart des ouvriers portent des
"boutou-koad"
Des audiernais sont identifiables sur cette photo dont le maître maçon et...d'autres
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Ci-dessous: les coiffes de nos "Penn kaled" de mères qui savaient dire non le cas échéant. Elles méritent notre respect
Ci-dessus: coiffe de deuil de Mamm-Gozh, portée en 1941 (Ar Jibilinenn). Cette coiffe est exposée dans une vitrine au musée du patrimoine de Pont-Croix (Le Marquisat)
Ci-dessus: Pod-houarn
(phonétiquement Pout-houarn= marmite en fer, plutôt en fonte)
et
Boutou-Koad Mamm-Gozh
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J'espère, par ce cas personnel et concret, apporter ma participation à la sauvegarde de la mémoire, objectivement, sans acrimonie mais avec réalisme pour éclairer les opinions. Cet article n'est pas une critique de l'auteur du livre. Seulement un témoignage concernant des faits vécus pour que l'on sache bien que la réalité et la vérité ne sauraient s'accommoder de caricatures quasi folkloriques, à caractère local, et encore moins d'angélisme prêtant à sourire. Les faits évoqués donnent un aperçu inédit et un peu moins idyllique d'une situation sociale vécue qui va au delà d'un simple duel "municipalo-clérical" digne de figurer dans une représentation théâtrale. La vie de cette époque n'était pas un théâtre, mais plutôt le combat des "pauvres en sabots" ( "boutou koad" ) pour le pain quotidien. Cette situation est parfois définie comme étant la "richesse et la chance des pauvres", définition qui n'aurait sans doute pas bonne presse aujourd'hui, la soumission totalement passive n'étant plus d'actualité et ce depuis l'abolition des privilèges et l'émancipation du tiers-état.
Bonne année 2009